L’énergie est la source première de notre croissance et de notre développement. Qu'elle soit d’origine renouvelable, nucléaire ou fossile, sans elle, impossible de faire fonctionner nos usines, nos véhicules ou chauffer nos logements. Sobriété, croissance verte, ou décroissance sont différents concepts qui envisagent un autre avenir de l’énergie.
Etat des lieux
Malgré une prise de conscience grandissante du dérèglement climatique et l’importance de limiter son empreinte carbone, les émissions de CO2 continuent d’augmenter au niveau mondial : +1.1% entre 2022 et 2023.
Les sources d’émissions fossiles
Si l’on détaille les sources d’émission fossile, le charbon arrive loin en tête, avec 15,4 GtCO2 rejetés en 2023, arrivent ensuite le pétrole (12,1 GtCO2) puis le gaz (7,8 GtCO2) et le ciment (1,6 GtCO2).
Toutes sont à la hausse, notamment à cause du boom économique que vivent certains géants à commencer par la Chine et l’Inde.
Le rôle des puissances émergentes
La seconde puissance économique mondiale a multiplié par quatre ses émissions de CO2 entre 2000 et 2023, tandis que l’Inde les a triplés, avance l’Agence internationale de l’énergie.
Ces pays ont notamment recours aux ressources fossiles pour assurer leur croissance. L’Inde est devenue le premier importateur de pétrole russe et profite des sanctions européennes pour l’acheter à prix bradé.
Les pays développés et leur consommation fossile
Dans les pays développés aussi l’usage croissant du gaz, du charbon et du pétrole séduit une certaine classe politique.
Aux Etats-Unis, le candidat Donald Trump défend l’exploitation de nouveaux gisements de gaz de schiste et de pétrole mais aussi de nouvelles centrales nucléaires. « Lors de son mandat, les Etats-Unis sont redevenus le premier producteur mondial de pétrole. Trump a libéré l'abondance de pétrole, de gaz naturel et de charbon propre que Dieu a donnée à notre pays » annonce-t-il fièrement sur sa page de campagne.
L’aspirant républicain veut faire des Etats-Unis la première puissance énergétique, assurer aux Américains une souveraineté, des factures moins onéreuses et abroger les réglementations sur la protection du climat. Il considère également que les énergies renouvelables sont « onéreuses pour peu d’effet ».
L’urgence de la sobriété
Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, notamment en gaz russe, a été grandement bouleversé. Le sabotage du pipeline Nord Stream a obligé la Commission européenne à chercher des sources alternatives comme le gaz naturel liquéfié en provenance de Norvège, ou des Etats-Unis.
Une offre qui ne peut plus répondre aux besoins
En octobre 2022, la Première ministre de l’époque Elizabeth Borne déclarait devant les députés de l’Assemblée nationale « avec la guerre, l'urgence de la transition énergétique, la sobriété s'est imposée comme une nécessité. (…) Si elle est une réponse à l'urgence, je crois aussi qu'elle doit être une prise de conscience. La baisse de la consommation d'énergie doit s'inscrire dans le temps long. C'est une nouvelle manière de penser et d'agir. ».
Avec ces termes, Elisabeth Borne annonçait non seulement une nécessité de moins consommer durant l’hiver, en baissant le thermostat et en limitant l’usage de l’électricité, mais aussi d’entrer dans une nouvelle ère de l’énergie où le consommateur doit s’adapter à l’offre.
Des initiatives française pour encourager la sobriété
En France, ma PrimeRénov, le fond chaleur, le prêt d’économies d’énergies (financé par la BPI), la prime énergie, les certificats d’économies d’énergie (CEE) ou la prime à l’autoconsommation pour les panneaux photovoltaïques contribuent aussi à une consommation raisonnée.
La promesse d’une croissance verte
Toutes ces aides gouvernementales soutiennent un projet de transition énergétique sans remettre en cause la croissance économique, concept connu sous le nom de croissance verte à savoir une augmentation du PIB sans impacter l’environnement et les conditions humaines (travail, santé, éducation).
La loi pour la transition énergétique et la croissance verte
Le concept apparaît dans « la loi pour la transition énergétique et la croissance verte » votée en 2015 pour respecter les engagements de l’accord de Paris, et prévoit de :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique du bâtiment ;
- Accélérer la rénovation énergétique des logements ;
- Lutter contre la précarité énergétique des ménages ;
- Favoriser les énergies renouvelables (EnR) et aux matériaux durables pour la construction ;
- Renforcer le rôle des collectivités locales pour mobiliser leurs territoires et réaffirmer le rôle de chef de file de la région dans le domaine de l’efficacité énergétique.
La croissance verte sur la scène internationale
Au niveau mondial, la croissance verte est le pari adopté par la plupart des organisations internationales. L’OCDE la définit comme « des indicateurs, qui aideront les pays à engendrer la croissance économique et le développement, tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être ».
Dans son Green Deal européen, l’UE a défini la croissance verte comme « une base pour soutenir les niveaux d’emploi et garantir les moyens nécessaires à l’augmentation du bien-être public […] en transformant la production et la consommation de manière à concilier l’augmentation du PIB avec les limites environnementales. »
Les innovations comme moteur de la croissance verte
Le but est donc d’assurer une croissance économique pour financer notamment les Etats providences et les prestations sociales tout en réduisant les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre. Concrètement, les Etats financent des aides pour développer les énergies renouvelables, adoptent des lois-cadres et limitent l’utilisation de ressources fossiles.
Les partisans de la croissance verte sont aussi convaincus que l’urgence climatique est source d’innovation technique, d’entreprenariat pour développer des nouvelles filières de production.
Le défi de la décroissance
Aussi séduisante qu’elle puisse être, l’idée de la croissance verte ne convainc pas tout le monde.
Les scepticismes autour de la croissance verte
Dans le cadre d’une enquête menée par Nature Sustainability en 2023, auprès de 789 chercheurs internationaux ayant travaillé sur les politiques d’atténuation du changement climatique. 73 % des répondants ont exprimé des points de vue alignés sur les positions de « l’acroissance » ou de la « décroissance », la première étant la plus populaire.
L’acroissance place comme priorité la durabilité, la qualité de vie et fait abstraction de l’augmentation des biens et des richesses.
Une vision critique de la croissance
« L’idée qu’on peut avoir un système transformatif des ressources naturelles en ayant moins de pression sur l’environnement est impossible. », affirme pour sa part Jean-Marc Jancovici, enseignant et ingénieur spécialiste de l’énergie, lors d’un débat avec l’essayiste Véra Nikolslki.
Selon lui, à partir du moment où l’économie a besoin de la nature pour transformer la matière et produire des biens, elle est incompatible avec une protection de l’environnement.
Si l’on considère par ailleurs que la planète dispose de ressources limitées, en particulier les énergies fossiles, et que la croissance économique en dépend, la décroissance voire l’effondrement du système capitaliste paraît inévitable pour le chercheur.
La décarbonation, un défi de taille
Jean-Marc Jancovici prône une décarbonation du système, mais qui ne peut se faire rapidement. « La mondialisation ce sont les bateaux et les camions et nous n’avons pas les moyens de décarboner tout cela en peu de temps. Que deviennent les gens qui habitent en ville s’ils se retrouvent sans transport de marchandises, d’aliments ou de travail ? », interroge-t-il.
Mettre comme priorité la protection de l’environnement et non pas l’augmentation de la production de richesses suppose des concessions à faire sur notre niveau de confort.
Limiter les vols dans une vie, le nombre de propriétés, de véhicules semblent des mesures opposées aux valeurs de nos démocraties libérales.
Mais « quelles libertés est-on prêt à abandonner à court terme pour se préserver des libertés futures ? », questionne l’ingénieur, en évoquant l’accès à l’eau, à l’alimentation et au logement.