La fin de l’Accès Régulé à l’Électricité nucléaire historique (ARENH) à partir du 1er janvier 2026 suscite de nombreuses interrogations à commencer par la garantie d’une énergie à prix abordable pour le consommateur.
Instauré par la loi Nome de 2010, l’Arenh oblige EDF à réserver environ un quart de sa production nucléaire, 100 TWh, aux fournisseurs alternatifs. À l'époque, la mesure visait à établir une concurrence plus équilibrée entre l’entreprise publique et ses concurrents, en leur permettant de bénéficier de l’atome dans des conditions équivalentes à celles d’EDF.
Le nucléaire représentait environ 75% de l’électricité française. Plus accessible et plus économe, il paraissait normal de partager le gâteau entre tout le monde.
À partir du 1er janvier 2026 l’ARENH va disparaître pour être remplacé par un nouveau système en cours d’ajustement mais déjà controversé.
Le prix moyen du mégawattheure passera de 42€ à 70€ pour les quinze prochaines années. Un prix négocié entre l’État et EDF, plus représentatif du coût de production et censé d’une part, assurer à EDF une capacité d'investissement et d’autre part offrir aux consommateurs une électricité abordable à prix stable.
La promesse d‘une électricité abordable négociée
Alors que l’ARENH s’appliquait à un tiers de la production nucléaire, la nouvelle méthode s’appliquera à la totalité de la production des centrales françaises.
Sur le papier, le passage de 42€ à 70 € le MWh d’électricité pourrait signifier une hausse importante de la facture, mais le ministère de l’économie défend sa stratégie et rappelle que le tarif antérieur ne représente que 50% du coût total, sans les taxes.
Le nouveau prix s’inscrit dans un “Contract for Difference” (CfD ou Contrat pour différence en français), un deal signé entre EDF et l’Etat pour ne pénaliser ni le consommateur ni le producteur. Avec ce dispositif, Bercy promet une protection du client face à la volatilité du marché.
Pour éviter des factures exorbitantes, 50% des bénéfices supplémentaires réalisés par EDF seront reversés à l’utilisateur lorsque le prix sur le marché dépassera 78-80€ le MWh, puis 90% au-delà de 110€ le MWh. Si l’électricité sur le marché est moins chère que le prix fixé alors l’Etat indemnisera EDF.
La fin de l’ARENH, prévue dès sa mise en place le 1er juillet 2011, est nécessaire pour que le marché français respecte les règles du marché européen de l’électricité.
On constate également un intérêt décroissant principalement lié aux prix de marché qui retrouvent des niveaux d’avant-crise: : 160 TWh en 2022, 148 TWh en 2023, 130 TWh en 2024. Ces évolutions s’expliquent aussi pour plusieurs raisons :
- Un développement de la production EnR et un intérêt croissant pour une énergie verte de la part des consommateurs et des fournisseurs.
- Une meilleure concurrence sur les marchés de gros avec parfois des tarifs plus attractifs que 42€ le MWh.
- Des politiques fiscales incitatives à l’usage du renouvelable.
Réforme post-ARENH : plusieurs inconnues
Le système de revente de la production nucléaire d’EDF est en cours d’ajustement. Plusieurs inconnues persistent quant à la méthode présentée fin 2023 par le gouvernement :
Le tarif
Premièrement, le tarif de 70€ le MWh n’est pas encore définitif. En pleine période de campagne pour les élections législatives Bruno Le Maire avait annoncé que “le prix de sortie n'est pas suffisant et pas suffisamment compétitif pour l'industrie française” et évoquait une renégociation du montant.
La durée de contrat
Les fournisseurs et industriels seraient incités à signer des contrats longue durée avec EDF pour assurer une stabilité de leurs coûts d’approvisionnements. Seulement quatre lettres d’intentions ont été signées entre l’énergéticien public et des entreprises électro-intensives dont Arcelor Mittal, pour signer un contrat d’allocation de production nucléaire (CAPN).
Pour les fournisseurs, difficile de s’engager dans des contrats longue durée alors que leurs clients peuvent claquer la porte quand ils le souhaitent. Cette situation pourrait créer un déséquilibre entre une quantité X d’électricité demandée sur une longue période et un portefeuille de clients fluctuant.
La double casquette d‘EDF
Par ailleurs, la CRE exige la séparation totale des activités de production et commerciales d’EDF pour que cette dernière branche n’ait pas accès aux estimations de production nucléaire. Cela offrirait un avantage substantiel à l’entreprise publique.
Le mécanisme disparaîtra quelques mois après la fin du bouclier tarifaire prévue pour février 2025 qui avait été mis en place par le ministère de l’économie en 2022 alors que les tarifs de l’électricité atteignaient des montants exorbitants sur les marchés européens. En cause : la crise économique post-pandémie et le début du conflit russo-ukrainien. La fin de ce mécanisme pourrait exposer davantage les consommateurs à des prix instables.
Statu quo jusqu’en 2026
En attendant, le statu quo reste de mise et jusqu’au 31 décembre 2025, les fournisseurs doivent effectuer leur demande d’ARENH en suivant plusieurs étapes. Il faut d’abord déposer un dossier auprès de la CRE. Une fois la requête acceptée par la CRE et EDF, elle doit être signée par toutes les parties pour que l’accord-cadre entre en vigueur.
Comment sont calculés les droits ARENH ?
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a mis en place une méthode de calcul. Le droit d’ARENH dépend de plusieurs facteurs :
Ex ante :
Le montant des droits est fixé en fonction de l’estimation de consommation estimée par les fournisseurs. Ces derniers doivent aussi disposer d’un certificat de capacité, qui correspond à leur capacité à fournir de l’électricité notamment en période de crise, pour pouvoir acheter de l’électricité nucléaire.
A Posteriori et complément de prix :
Complément de prix 1 : si le fournisseur a “surcommandé” de l’électricité nucléaire pour ensuite la revendre sur les marchés de gros. Les gains liés à cette pratique sont annulés. Le tarif fixé par la CRE s’élève à 61.71€/MWh.
Complément de prix 2 : s'il a surestimé le nombre de ses clients pour acheter plus d’énergie bon marché, il devra payer un complément de 20€/MWh. Une marge d’erreur dite de “bonne foi” est cependant fixée à 10% de la consommation constatée.
Chaque année, les commandes dépassent le plafond fixé à 100 TWh; 130,41 TWh en 2024. Les fournisseurs reçoivent alors le même pourcentage d’Arenh (76,68% en 2024) et doivent s’approvisionner sur les marchés de gros pour compléter leurs besoins à hauteur de 23.34% en 2024.
Ce lissage s’appelle l’écrêtement, il est calculé grâce à un coefficient de bouclage, réduit pour 2024 par un arrêté le 27 juillet 2023. Il est passé de 0.964 à 0,844, afin de refléter la diminution attendue de la production nucléaire. En d’autres termes, il correspond à la capacité du réseau à absorber plus ou moins d’électricité nucléaire ARENH.
Tous dépendants du nucléaire
Aujourd’hui, tous les fournisseurs peuvent bénéficier de l’ARENH, même ceux qui promettent de distribuer uniquement de l’énergie verte.
La fin de l’Arenh ne signifie absolument pas la fin du nucléaire, bien au contraire... Les ajustements du nouveau système et la primauté de cette énergie seront déterminés par le gouvernement et les acteurs du marché de l’électricité.