Tout comprendre à la fin de l‘Arenh et la nouvelle régulation de l‘électricité nucléaire

Publié le
9/7/2024
Temps de lecture : 5 min
Table des matières
centrale nucléaire

La fin de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) à partir du 1er janvier 2026 suscite de nombreuses interrogations à commencer par la garantie d’une énergie abordable pour le consommateur. 

Instauré par la loi Nome de 2010, l’Arenh oblige EDF à réserver un tiers de sa production nucléaire, 100 TWh, aux fournisseurs alternatifs. A l'époque, la mesure visait à  établir une concurrence plus équilibrée entre l’entreprise publique et ses concurrents, en leur permettant de bénéficier de l’atome. Le nucléaire représentait environ 75% de l’électricité française, plus accessible et plus économe il paraissait normal de partager le gâteau entre tout le monde. 

A partir du 1er janvier 2026 l’Arenh va disparaître remplacé par un nouveau système en cours d’ajustements. 

Le prix du mégawattheure passera de 42€ à 70€ pour les quinze prochaines années. Un prix négocié entre l’Etat et EDF, plus représentatif du coût de production et censé d’une part, assurer à EDF une capacité d'investissement et d’autre part offrir aux consommateurs une électricité abordable à prix stable. 

La promesse d’une électricité abordable négociée

Alors que l’Arenh s’appliquait à un tiers de la production nucléaire, la nouvelle méthode s’appliquera aux 320 TWh produits par les centrales françaises. Sur le papier, le passage de 42€ à 70 € le TWh d’électricité pourrait signifier une hausse importante de la facture, mais le ministère de l’économie défend sa stratégie et rappelle que le tarif antérieur ne représente que 50% du coût total, sans les taxes.

Le nouveau prix s’inscrit dans un contrat pour différence (CPF), un deal signé entre EDF et l’Etat pour ne pénaliser ni le consommateur ni le producteur. Avec ce dispositif, Bercy promet une protection du client face aux envolées du marché. 

Pour éviter des factures exorbitantes, 50% des bénéfices supplémentaires réalisés par EDF seront reversés à l’utilisateur lorsque le prix sur le marché dépassera 78-80€ le MWh, puis 90% au-delà de 110€ le MWh. Si l’électricité sur le marché est moins chère que le prix fixé alors l’Etat indemnisera EDF. 

La fin de l’Arenh, prévue dès sa création, est nécessaire pour que les fournisseurs français respectent les règles du marché européen de l’électricité. Elle se justifie aussi par des commandes décroissantes : 160 TWh en 2022, 148 TWh en 2023, 130 TWh en 2024. 

Ces évolutions s’expliquent pour plusieurs raisons : 

  • un intérêt croissant pour une énergie verte de la part des consommateurs et des fournisseurs. 
  • une meilleure concurrence sur les marchés de gros avec parfois des tarifs plus attractifs que 42€ le MWh. 
  • des politiques fiscales incitatives à l’usage du renouvelable. 

Plusieurs inconnues

Le tarif 

Plusieurs inconnues persistent quant à la méthode présentée fin 2023 par le gouvernement. 

Premièrement, le tarif de 70€ le MWh n’est pas encore définitif. En pleine période de campagne pour les élections législatives Bruno Le Maire a annoncé que “le prix de sortie n'est pas suffisant et pas suffisamment compétitif pour l'industrie française et évoque une renégociation du montant en cas de victoire de la majorité présidentielle. 

La durée de contrat 

Les fournisseurs et industriels seraient incités à signer des contrats longue durée avec EDF pour assurer une stabilité de leurs coûts d’approvisionnements. Seulement quatre lettres d’intentions ont été signées entre l’énergéticien public et des entreprises électro-intensives dont Arcelor Mittal, pour signer un contrat d’allocation de production nucléaire (CAPN). 

Pour les fournisseurs, difficile de s’engager dans des contrats longue durée alors que leurs clients peuvent claquer la porte quand ils le souhaitent. Cette situation pourrait créer un déséquilibre entre une quantité X d’électricité demandée sur une longue période et un portefeuille de clients fluctuant. 

La double casquette d’EDF

Par ailleurs, la CRE exige la séparation totale des activités de production et commerciales d’EDF pour que cette dernière branche n’ait pas accès aux estimations de production nucléaire. Cela offrirait un avantage substantiel à l’entreprise publique. 

Le mécanisme disparaîtra quelques mois après la fin du bouclier tarifaire prévue pour février 2025 et imposé par le ministère de l’économie en 2022 alors que les tarifs de l’électricité atteignaient des tarifs exorbitants sur les marchés européens. En cause : la crise économique post-pandémie et le début du conflit russo-ukrainien. La fin de ce mécanisme pourrait exposer davantage les consommateurs à des prix instables. 

Statu quo jusqu’en 2026

En attendant, le statu quo reste de mise et jusqu’au 31 décembre 2025, les fournisseurs doivent effectuer leur demande d’Arenh en suivant plusieurs étapes. Il faut d’abord déposer un dossier auprès de la CRE. Une fois la requête acceptée par la CRE et EDF, elle doit être signée par toutes les parties pour que l’accord-cadre entre en vigueur. 

Le calcul de l’Arenh

Ex ante  : 

Le montant des droits est fixé en fonction de l’estimation de consommation fixée par les distributeurs. Ces derniers doivent aussi disposer d’un certificat de capacité, qui correspond à leur capacité à fournir de l’électricité notamment en période de crise, pour pouvoir acheter de l’électricité nucléaire. 

A Posteriori : 

Complément de prix 1 : Si le fournisseur a “surcommandé” de l’électricité nucléaire pour ensuite la revendre sur les marchés de gros. Les gains liés à cette pratique sont annulés. Le tarif fixé par la CRE s’élève à 61.71€/MWh.

Complément de prix 2 : S'il a surestimé le nombre de ses clients pour acheter plus d’énergie bon marché, il devra payer un complément de 20€/MWh. Une marge d’erreur dite de “bonne foi” est cependant fixée à 10% de la consommation constatée.

Chaque année, les commandes dépassent le plafond fixé à 100 TWh; 130,41 TWh en 2024. Les fournisseurs reçoivent alors le même pourcentage d’Arenh (76,68% en 2024) et doivent s’approvisionner sur les marchés de gros pour compléter leurs besoins à hauteur de 23.34% en 2024. 

Ce lissage s’appelle l’écrêtement, il est calculé grâce à un coefficient de bouclage, réduit pour 2024 par un arrêté le 27 juillet 2023 de 0.964 à 0,844, afin de refléter la diminution attendue de la production nucléaire. En d’autres termes, il correspond à la capacité du réseau à absorber plus ou moins d’électricité nucléaire Arenh.

Tous dépendants du nucléaire

Si la réduction puis la suppression de l’Arenh incarne aussi un léger déclin du nucléaire en France, dû à des problèmes de corrosion sous contrainte et des retards de maintenance, l’atome représente toujours 66% du mix énergétique. 

Aujourd’hui, tous les fournisseurs en bénéficient, même ceux qui promettent de distribuer uniquement de l’énergie verte. Mais pas d'inquiétude, les clients ayant souscrit un contrat avec un fournisseur favorisant le renouvelable bénéficient du mécanisme des garanties d’origines, une traçabilité de son énergie. Pour chaque mégawatt consommé produit par l’atome, 1 mégawatt issu du renouvelable sera réinjecté dans le réseau. 

La fin de l’Arenh ne signifie absolument pas la fin du nucléaire. Les ajustements du nouveau système et la primauté de cette énergie seront déterminés par le nouveau gouvernement élu après les élections législatives.

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